Les jours passaient, bien plus vite que quiconque ne l'imaginait. Dans les rues, discrets ou hautains, certains dragons observaient Cynder passer parmi eux déambuler au gré des journées. Mais parmi la foule, certaines critiques dissonantes s'élevaient par moment, la majorité venant tout particulièrement d'un certain trio de dragons, complotant quelques obscurs desseins.
Et une nuit venue, alors que Spyro s'en était allé rejoindre les trois gardiens survivants, héritiers qu'ils étaient de la volonté du défunt Ignitus, la noire dragonne se retrouvait seule en retrait pour se reposer, épuisée des incessants commérages à son encontre. Non loin, une silhouette se glissait délicatement, tel un fantome. En ces lieux où ne résidait présentement qu'un seul dragon, l'intrus s'avançait lentement. Sa cible ne faisait guère de doute : l'ancienne discipline du Maître Noir. L'assassin se préparait à frapper, les griffes bien déployées et aiguisées, témoins de sa détermination à abattre l'ancienne héroïne.
Hélas pour lui, il n'avait pas choisi une cible des plus faciles. Et dans la nuit noire, tel le serpent caché dans un fourré, Cynder avait fait preuve de bien plus de malice que son assaillant. Elle avait senti l'intrus se glisser dans ses quartiers, avait perçu son assatiable soif de sang, et n'avait fait qu'attendre que ce dernier soit assez près pour agir. Voyant les yeux de sa cible s'ouvrir subitement, plongé dans les siens, l'intrus se figeait, prenant conscience de son erreur.
Une violente échaffourée s'engageait alors entre le dragon et Cynder. Les coups fusaient, les griffes tranchaient et les crocs claquaient. Et aussi rapide qu'elle avait commencé, la bataille laissait soudainement place au silence. A ses pattes, gisant, le corps du dragon s'était affalé, séparé de sa tête suite à une leste décapitation réalisée par la sombre dragonne.
Ayant fait passé sa survie avant la raison, Cynder avait vu rouge. Et le sang qui perlait sur la lame de sa queue, encore chaud, était une preuve somme toute accablante de la scène qui venait de se jouer. La panique la prenant, occultant sa logique, Cynder cherchait alors à se débarasser du corps et des preuves. Mal lui en prit car un dragon, ayant eu peine à trouver le sommeil, la surprit sur le fait, poussant un cri et sonnant l'alarme à travers toute la batîsse.
Et le lendemain, à peine l'aube levée, toute la cité de Warfang était au fait du meurtre commis par Cynder. La pauvre cherchait bien à se défendre, plaidant la légitime défense, mais rien n'y faisait. L'occasion était trop belle pour ses détracteurs qui enfoncèrent le clou en liant le crime au sinistre passé de la dragonne. Déséspérée, Cynder cherchait le regard de son compagnon et des gardiens.
Eux savaient qui elle était. Eux avait vu le bon qui sommeillait en son coeur. Eux la croirait sûrement. Hélas pour Cynder, nul voix ne s'éleva pour la défendre. Ayant vu la scène du crime, ni Spyro ni les trois anciens n'avaient pu en croire leurs yeux. Le conflit avait été brutal et la sentence infligée par Cynder à son assaillant trop cruelle.
A nouveau, la dragonne d'ombre plaida la légitime défense. Que le dragon s'était introduit dans le batîment avec l'évident objectif de s'en prendre à elle. Certes, le dragon violet et les trois doyens entendait la raison. Mais quand bien même ils voulaient la croire, ils ne pouvait pardonner. De plus, la foule, implacable, demandait que le sang coule.
C'est alors que, le coeur lourd, les quatre dragons prirent une bien terrible décision. Dès cet instant, Cynder était considérée bannie des terres des dragons sacrés. Car cela était la seule clémence qu'ils pouvaient faire à son égard pour lui épargner une sinistre fin.
À l'extérieur, Cynder laissait paraître qu'elle prenait bien ce choix injuste. Mais à l'intérieur, une graine venait d'être plantée. La dragonne, trahie, abbreuvait cette pousse de toute sa colère et sa rage, bouillantes et troubillonnantes en son sein. Elle se jurait alors que, un jour, elle mettrait la cité entière à feu et à sang.
Et sans un regard en arrière, elle disparut.
